Voir au-delà…. Transparences et opacités photographiques

Il n’est guère possible de parler de la transparence en photo- graphie, sans aborder conjointement la question du réel, si présente dans ce médium qui renvoie, comme on le sait, au visible et à la visibilité. Le réel et le visible entretiennent des liens traditionnellement étroits et il nous semble judicieux de reprendre ce vieux débat sur la présence ou non du réel dans la photographie quand les nouvelles technologies de l’image privilégient de plus en plus le virtuel, au risque d’entraîner des effets psychologiques et sociologiques aux conséquences encore indéterminées. Poser la question de la transparence nous offre donc le prétexte pour reprendre d’autres interrogations portant à la fois sur notre intérêt pour la photographie et sur le rapport au réel entretenu en psychothérapie.
Comment définir le réel ?
On sait qu’il s’agit là d’une notion qui nous est donnée sans être vraiment explicitée et qui interpelle aussi bien la philosophie, que la psychiatrie ou la psychanalyse, sans parler des photographes à qui l’on a sans cesse répété que leur médium représentait le réel, était une trace du réel . Mais est-il question du même réel dans les domaines précités ? Le réel peut-il être décliné au pluriel plutôt qu’au singulier ? Ces questions valent certainement d’être posées car leurs réponses pourraient lever bien des ambiguïtés sur l’affirmation du lien existant entre photographie, réel et réalité. Nous serions provisoirement enclins à dire qu’il est préférable de parler de réels au pluriel, ce qui permet d’envisager la multiplicité des rapports que ce médium entretient avec le monde, comme avec nous-mêmes.
Pour considérer la photographie comme ayant quelque chose à voir avec la réalité – si ce n’est avec le réel– on fait état de ses origines physico-chimiques , de ses liens avec la lumière, des tech- niques basées sur l’optique. Mais cela ne semble pas suffisant pour rendre compte de l’art photographique en lui-même, de la subjectivité du regard, du mystère que représente (et que représentera toujours) l’image photographique. Les photographes eux-mêmes sont suspicieux vis-à-vis d’une réalité existant indépendamment de la personne humaine. Pour eux, la photographie n’est pas si acheiropoïète que ça (non faite de main d’homme). Et pourtant, nous avons le sentiment, en face de ces images, même et surtout en noir et blanc, qu’elles reflètent la réalité à un moment donné (le fameux « ça a été » de Roland Barthes) et qu’elles produisent sur nous un effet de réel.

Auteur
Gilles Perriot
Référence
RA002-13
Illusion, apparence, transparence
Journées d’Automne 2011
Catégories
Art
Photographie