Le premier volet d’une trilogie ouvertement autobiographique réalisé par Eva Ionesco (My little princess, 2011) met en évidence la fonction de la photographie comme tentative de réponse à l’impasse posée par le féminin. Et ce alors que le double féminin, convoqué dans une mission de (re) création subjective, prend le risque de se perdre lui-même. Nous essaierons aussi de mettre en évidence que le double, conçu comme une exigence, répond à une menace de mort et d’abandon à peine déguisée, qui faute d’être symbolisée, n’a de cesse de se répéter dans la réalité.
Avant d’être réalisatrice, c’est-à-dire de choisir les scènes animées et l’intrigue, Eva Ionesco a été exhibée par sa mère, Irina, sur des clichés photographiques dès l’âge de 4 ans : les termes em- ployés pour se décrire à cette période renvoient à un registre inanimé : « J’étais un jouet. Vers 11 ans, à la puberté, je l’ai cassé ». Elle dira aussi combien sa photographe de mère l’a mise en boîte1, et la polysémie du mot laisse entendre le cercueil, le mutisme, l’enfermement. Dans son film, son héroïne, Violetta a 10 ans, lorsque sa mère, toutes dentelles dehors, l’érige comme modèle et l’arrache à son arrière-grand-mère qui finit par mourir.
Son film autobiographique participe aussi à la levée du « tabou » concernant la violence des mères auxquelles l’imaginaire populaire attribue qualités de protection (Tardif & Lamoureux, 1999). Choisissant dans son film de transposer les compositions photo- graphiques d’une femme prénommée Hannah, Ionesco dévoile la fonction de la photographie pour la voyeuse, tentant de symboliser le trauma mais n’ayant cesse de le répéter. Cette fonction n’est pas sans incidences sur la fillette, Violetta, trouvant en lieu et place d’un regard maternel rassurant sur le pouvoir de séduction à venir, un objectif scrutant, magnifiant, exaltant, rabaissant aussi. L’objectif transforme la fille en femme fatale assoiffée de séduction et la fait entrer dans un monde peuplé de références adultes, hermétiques à la souffrance de l’enfant et théorisant cet art érotico-incestuel. Les photographies de sa fille permettent à la mère artiste de se prolonger, de se cloner, ce dont n’est pas inconsciente l’enfant qui lui lance : « tu te sers de moi pour qu’on te regarde ».
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Auteur |
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Anne-Valérie Mazoyer |
Référence |
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RA002-11 Illusion, apparence, transparence Journées d’Automne 2011 |
Catégories |
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Cinéma Photographie Psychopathologie de l’expression |