La rhétorique du ravissement amoureux au XVIIe siècle : une casuistique à quel usage social ?

On sait, le sens très ancien du ravissement en Dieu, de l’extase religieuse (en langage théologique, état de contemplation atteint au cours de l’oraison mentale) connut un renouveau spectaculaire durant le temps des réformes religieuses, dont l’exemple emblématique demeure, à la fois dans le vécu de la foi, son expression littéraire et son estampillage dans l’orthodoxie ecclésiale, celui de sainte Thérèse d’Avila, docteur de l’Église (1515-1582). Son expérience de la transverbération, imprégnée selon ses propres dires de l’imaginaire des modèles iconographiques de son temps, a suscité grâce au chef-d’œuvre sculpté du Bemin (1645-1652) une véritable « icône » baroque de l’extase.
Nous nous intéresserons aux modes d’expression séculiers de cette culture de l’extase. À l’époque moderne (XVIe- XVIIe siècles), le mot correspond en effet à une pratique sociale. La mode de l’enlèvement correspond alors à un geste aristocratique : le ravisseur est un séducteur qui enlève sa belle contre l’avis et le consentement de ses parents, pour contracter un mariage clandestin. Il s’agit ainsi de forcer le destin par une action mâle et hardie, l’amour étant, de l’aveu même des intéressés, indissolublement lié à l’espoir de l’obtention d’une belle dot ! La législation royale française punit de façon réitérée (1556,1579,1629) ce crime de la peine capitale. Il n’empêche : la Fronde est le moment historique d’une recrudescence de ces comportements à haut risque.
Bien entendu, il est bien plus difficile d’avoir accès à la parole des femmes enlevées, ravies, séduites qu’à celles de leurs compagnons. Néanmoins, il arrive qu’elles s’expriment par l’intermédiaire de leurs avocats au cours des conflits judiciaires si nombreux de cette période. Sont-elles manipulées ou manipulatrices ? Le ravissement amoureux leur donne une légitimité réelle et il n’est sans doute pas que de pure passivité.

Pour lire le texte complet s’inscrire ou se connecter