L’aveuglement du ravissement

C’est en ces termes que Klimt s’adresse à La femme de sa vie Émilie Floge, dans les rares écrits qu’il a laissés. Klimt n’a pas désiré la femme qu’il aimait, n’a pas aimé les femmes qu’il désirait, n’a jamais été le père de ses quatorze enfants naturels mais a engendré tableaux et fresques jusqu’à sa mort.
Son œuvre la plus célèbre Le Baiser plonge le spectateur dans un ravissement sans nom. Le ravi se ment. Nous sommes interpellés par l’absence de regard des deux personnages représentés, le rythme du mouvement des mains s’enroulant comme une spirale autour des visages, à la fois dans une symétrie et une asymétrie, création d’harmonie et de beauté. Les corps s’évanouissent dans une juxtaposition décorative de formes géométriques qui n’est pas sans évoquer le morcellement psychotique.
Selon Lacan, dans le champ scopique ce qui détermine le sujet dans le visible, c’est le regard qui est au-dehors : « Je suis regardé, c’est-à-dire je suis tableau ». Le tableau ne joue pas dans le champ de la représentation, sa fin et son effet sont ailleurs. Le tableau vient se placer dans l’encadrement d’une fenêtre. Il s’agit de ne pas voir ce qui se passe par la fenêtre. La beauté rend à la fois triste et heureux, elle inspire parfois l’effroi. Toute œuvre de beauté renferme l’expérience de la dépression et de la mort. L’amour rouvre la porte à la perfection. La difficulté n’est pas de comprendre la beauté mais de la supporter.

Auteur
Berlende Lamblin
Référence
RA003-11
Ravissement
Journées d’Automne 2012
Catégories
Psychanalyse
Esthétique
Peinture