Du silence chez Hopper à l’invisible chez Magritte : un au-delà du regard

Selon Lacan, « l’appétit de l’œil » à voir confère à la peinture un effet « pacifiant, apollinien » ; et la question du « donner-à-voir » d’un tableau n’est pas sans lien avec la satisfaction à être sous le regard.
Mais qu’en est-il de la « valeur de charme » de la peinture lorsque le peintre nous donne à voir un non-regard ? N’est-ce pas plutôt un malaise, une subtile angoisse qui saisissent le spectateur du tableau ? Et que veut suggérer l’artiste en peignant pour nous cette fuite des regards? Quelles perspectives entend-il ouvrir au-delà de ce non-regard ?
Nous nous sommes posé cette question à propos de deux peintres qui furent contemporains, tous deux disparus en 1967: Edward Hopper et René Magritte. Chez le premier, l’absence d’échange de regard crée un univers de silence et de non-relation entre les personnages de ses tableaux, ambiance obsédante à travers son œuvre. Chez le second, l’étrangeté vient de l’évidement ou du retournement des visages, de la superposition inattendue d’objets qui peuvent obturer le regard, «dépaysement» volontaire du sujet du tableau et du sujet regardant…
Peinture « décalée » qui interpelle et dérange, qui entraîne le regard au-delà du tableau. Sans commentaire de la part de Hopper mais avec un objectif clairement explicité pour Magritte, « la recherche systématique d’un effet poétique bouleversant ».
Nous chercherons à comprendre sur quelles voies veulent nous entraîner ces deux artistes, chacun à sa manière. Ce qui fera des liens avec quelques points de vue sur la philosophie de l’art moderne, notamment ceux développés par Kandinsky dans son livre Du spirituel dans l’art et par Gérard Wajcman dans L’Objet du siècle.

Auteur
Valérie Deschamps
Référence
RA004-16
Regards
Journées d’Automne 2013
Catégories
Art
Peinture