« Critiques, analystes, gardez allumée la lampe de Psyché, mais songez au destin d’Actéon ». Cette mise en garde de Jean Starobinski (1970) redouble la prière de notre intitulé qui s’adresse aussi aux patients et à leurs entourages (autres aimants : muses, parentèle, amis, partenaires des thérapies multifocales, trop souvent perdus de vue, démagnétisés). Non pas pour conjurer l’emprise séductrice des regards condensés dans une œuvre qui nous regarde autant que nous la regardons, mais pour détoxiquer la vision du pire (cruauté et beauté accouplées), élever, autoriser (admirer, sublimer le regard, et non pas contrôler, énucléer) le désir subjectivant de ça-voir.
Risquer le langage des yeux (pers, noirs, d’or), consentir à ce qu’ils inspirent ou expirent, s’exposer au plus discriminant mais aussi au plus englobant des sens, c’est croiser la munificence (beauté-bonté) et la cruauté des passions (voyeurismes et monstrations).
La dramaturgie des regards dans la mythologie (Éros et Psyché, Tirésias et Athéna, Actéon et Artémis, Persée et Méduse, Argos et lo…) et leur distribution dans l’espace (perspectiviste ou non) des arts visuels montre par quels stratagèmes d’orientation (faciale, oblique, de profil), de médiation et de conversion amoureuse le pire peut être évité.
L’esthétique éclaire les positionnements des cliniciens: objectivation ou subjectivation, pan ou empan, fixation ou ouverture, jusqu’à la révolution freudienne contemporaine de la déconstruction cubiste. Les effets (de pan et de casse) de la mirada fuerte ( fulgurance, captation de tensions, totalitaire et disruptive) de Picasso (Cyclope, pirate, piètre père mais capable d’aller du pitre au pire) dans le monde de l’art et sur les femmes qu’il a possédées (Fernande, Éva, Olga, Marie-Thérèse, Dora, Françoise, Jacqueline) attestent le sacre du massacre (beauté et cruauté) que le thérapeute (garant du fil rouge interhumain et non tireur de ficelles) veut dénouer.
L’œuvre protéique, dionysiaque et les amours de Picasso (ses corridas de belles et de bêtes) suscitent la même violente étrangeté que nombre d’expressions psychopathologiques. La vie ne tient qu’à un fil, mais l’alliance thérapeutique à l’instar de celle d’Ariane et de Thésée permet d’avancer dans le labyrinthe de la vie intérieure, de tuer le Minotaure et d’en revenir grâce à un fil de lumière ; c’est-à-dire ce qu’il faut ajouter au regard et à l’objet de son désir pour que les D’yeux voient là-venir, ce qui commence et non ce qui se répète.
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Auteur |
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Jean Pierre Martineau |
Référence |
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RA004-12 Regards Journées d’Automne 2013 |
Catégories |
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Art Peinture |