Entre mythe collectif, mythe individuel et mythe de l’artiste : l’itinéraire créateur de Max Beckmann

« Mythe » : ce simple mot demeure chargé d’une puissante ambivalence, exerçant tour à tour fascination et répulsion. Toute l’histoire du
XX* siècle semble avoir été soumise aux passions contradictoires que ce terme a suscitées dans le domaine intellectuel. Une pensée « critique » s’était donné pour mission, à l’aube du siècle, de déconstruire méthodiquement les formes d’une pensée « mythique ». Elle a essuyé en retour la vague démesurée des manifestations mythologiques qui ont déferlé sur le monde. Des crimes monstrueux que ces nouveaux mythes ont provoqués, de l’apocalypse qui leur a succédé, l’Histoire semble ne jamais s’être remise.
Quelle serait par conséquent la manière adéquate d’affronter le mythe ? L’exemple des artistes de ce même XX’ siècle peut nous servir de guide : si ce que l’on nomme communément les « avant-gardes » peut s’assimiler, globalement, à une attitude critique envers nos modes de représentation, on doit constater que la plupart des grandes figures — Picasso, Max Ernst, Paul Klee notamment — se sont exprimées de préférence par le biais de créatures mythologiques ou par la fondation d’une mythologie personnelle.
L’une d’entre ces figures nous est apparue particulièrement significative : il s’agit de Max Beckmann, en tant que victime du mythe du Troisième Reich, exilé volontaire et contraint, depuis son refuge d’Amsterdam, de poursuivre son œuvre dans la clandestinité. Ce qui ne l’empêche pas de consacrer l’essentiel de sa production à l’élaboration d’une mythologie personnelle, partagée entre critique et interprétation des grands mythes, en d’infinies variations sur leurs motifs. Que cette production s’accompagne d’un questionnement permanent sur sa propre identité (peu d’artistes ont réalisé autant d’autoportraits) éveillera spécialement notre intérêt : le mythe serait-il pour Beckmann le passage obligé d’un retour à sa source créatrice, d’un accès à ce qu’il nomme sa « vérité intime » ?

Auteur
Georges Bloess
Référence
RA007-12
Mythes
Journées d’Hiver 2016
Catégories
Philosophie
Esthétique
Peinture