La toile retournée du peintre. Paradoxes du regard dans Les Ménines (1656) de Diego Vélasquez

Chef d’œuvre de l’art baroque, Opus magnus de Vélasquez, « théologie de la peinture » pour certains, Les Ménines n’ont rien perdu de leur pouvoir de fascination. Le tableau a connu une variété de grilles de lecture et une fortune critique exceptionnelles. Mais comment lire la fascination que cette toile exerce à travers les siècles? Mise en abyme propre à l’auto-référence, poïesis de l’acte de peindre, vertiges de l’espace représenté, énigme de la représentation — la complexité et la subtilité de la composition des Ménines ont donné lieu à une kyrielle d’interprétations et d’études interdisciplinaires.
Ainsi, Foucault explore dans Les Mots et les Choses (1966) les espaces paradoxaux du pouvoir que représente selon lui, ce tableau. Toujours en 1966 — les 11,18 et 25 mai — Lacan en a fait le contenu de trois de ses séminaires. Manuela Mena Marqués (1984), la conservatrice en chef du Prado, estime avoir trouvé un repeint lors de la restauration du tableau en 1984. Des philosophes tels que Searle (1980) et des historiens d’art tels que Clark (1960), Damisch (1987), Stoichita (1993) et Arasse (2003) ont consacré des études importantes, quoique contradictoires, aux Ménines. Thévoz (1996) aborde le paradoxe inhérent à tout auto-portrait, Masson (2001) interroge la circulation du regard. Des recherches géométriques consultables sur youtube permettent de visiter en 3 D une simulation de l’espace peint; une publicité espagnole récente reconstitue la constellation, désormais mythique, des personnages…
Afin d’introduire dans cette pluralité de discours, de méthodes et de regards un axe nouveau, nous proposons de commenter plus en détail la copie qu’en a réalisée l’assistant et gendre de Vélasquez, Juan Bautista Martinez del Mazo. La comparaison entre copie et original nous permettra-t-elle de saisir différemment l’énigme des Ménines? Notre analyse pourra-t-elle nous renseigner plus avant sur le processus de création, le « scénario de production » (Stoichita, 1993) des Ménines? Enfin, pourrons-nous comprendre différemment le scandale visuel qui semble en être à l’origine ?

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