Durant la pré-Renaissance, nombre d’artistes s’effacèrent devant l’Auteur divin au point de refouler leur patronyme et de voir leurs œuvres surnommées par des historiens d’art à partir du sujet traité. La définition du spécialiste vint, en baptisant l’œuvre, faire suppléance au nom propre du créateur, un peu comme le discours médical surnomme le sujet à l’aide de simples initiales. On fit ainsi peu cas du vécu de l’artiste à l’égard de ce qui le maintenait dans cette crépuscularisation sociale.
Cette exclusion larvée avance masquée y compris en nos art-thérapies quand le sujet de l’œuvre se substitue au sujet à l’œuvre et qu’elles dévoilent ainsi leur point de solidarité entre la dévotion du pré-renaissant et celle du patient psychotique qui, dans une forme d’automutilation identitaire, gomme son nom propre de l’œuvre qu’il dépose sur l’autel d’un dieu obscur. L’institution peut — sans le savoir — en prendre le visage lorsqu’elle soumet les productions des patients à une même violence, que ce soit celle de la rétention, de l’assignation à résidence, ou celle de l’expulsion, voire de la destruction.
Il serait bon de penser un lieu d’accueil où les productions cessent d’osciller, comme le sujet psychotique lui-même, de trésor à déchet. Ce serait le rôle d’un musée où historiens de l’art et autres spécialistes, réunis dans une recherche permettant de mieux comprendre les processus de création, travailleraient à la renaissance des anonymes « désenfermés » en surnommant leurs œuvres pour qu’elles trouvent une véritable place dans le Symbolique et pour ne pas oublier qu’elles ne sont pas tombées du ciel.
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Auteur |
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Jean-Pierre Royol |
Référence |
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RA013-18 Créés en milieu psychiatrique : des objets en instance ? Journées de Printemps 2019 |
Catégories |
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Histoire Psychiatrie Psychanalyse Éthique |