La question de l’émoi entre trouble et désir chez Jacques Casanova

Dans ses Mémoires , Jacques Casanova écrit :

Le tempérament sanguin me rendait très sensible aux attraits de la volupté… J’étais toujours joyeux et toujours disposé à passer d’une jouissance à une jouissance nouvelle en même temps que j’étais fort ingénieux à en inventer. C’est de là que me vint, sans doute, mon inclination à faire de nouvelles connaissances et ma grande facilité à les rompre, quoique toujours avec connaissance de cause et jamais par pure légèreté.
Tout est là. Jacques Casanova est un homme de son époque. Nous sommes au siècle des Lumières ; l’annonce d’autres temps se profile pourtant. Casanova a navigué dans son siècle, prenant tout ce qui passe, essayant tout, faisant feu de tout bois.
Le tempérament, par exemple. Il reprend Hippocrate et les quatre humeurs. Selon lui, il pense avoir eu tous les tempéraments, selon les âges de sa vie. Le pituiteux lorsqu’il était cet enfant chétif, à l’allure d’idiot, négligé par ses parents. Le sanguin, celui qui porte à la jouissance. Plus tard, le bileux et enfin le mélancolique, celui qui écrit ses Mémoires pour se sauver de la dépression.
Casanova parle ainsi de sa « nature », comme si sa nature parlait pour lui, comme s’il n’en était pas maître. Dans ses Mémoires, il n’essaie pas de se comprendre, mais se relate. L’accent est mis sur ses exploits : se faire protéger par les « grands » de ce monde, et jouir. Il s’agit de laisser agir les pulsions, en réalité, de survivre.
L’écriture de ce livre lui permet de jouir deux fois de cette « culture des sens » car le plaisir fut pour lui la principale affaire. Le tableau :

  • un siècle où tout est possible : voyager, aimer, duper ;
  • un tempérament « sanguin », caractérisé par Galien comme violent – le sang, la couleur rouge. Lors de grandes émotions, Casanova saigne par le nez ;
  • un être solitaire, qui essaie de se connaître – sa devise écrite en incipit dans le livre est « Nequicquam sapit qui sibi non sapit », mais est incapable d’introspection ;
  • aucun engagement : ni fils, ni père ;
  • une trace : ses Mémoires qui sont une véritable œuvre littéraire. Ils viennent d’être publiés à la Pléiade ! Autobiographie autour de chroniques, souvenirs, remémorations, n’ouvrant pas à la réflexion, aux remords, ni à la repentance ;
  • une œuvre littéraire véritable – sans sublimation ?

C’est donc dans cette œuvre, dans cette vie-là que nous allons chercher ce que sont la jouissance, l’émoi, le désir, l’amour.

Auteur
Annie BOYER
Référence
RA008-05
Désir et Amour
Journées de Printemps 2016
Catégories
Littérature
Écriture
Cas clinique