Du rapt amoureux dans les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos

Pour questionner tour à tour le ravissement, la feinte, la séduction et le rapt amoureux, nous convierons l’un des sommets de la littérature mondiale, Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Œuvre protéiforme permettant de traiter de manière inédite, à travers l’épistolarité, la subjectivité des protagonistes et leurs abîmes, ce roman par lettres a donné lieu à de multiples interprétations et versions au théâtre telles que Quartett (1980) par Heiner Müller ainsi que des adaptations au cinéma dont celles de Roger Vadim (1960), Milos Forman (1989) et Stephen Frears (1988).
Ce dernier propose, dans la séquence « Ombra mai fu», une version entièrement muette de la subversion scandaleuse que constitue pour Val-mont la rencontre amoureuse avec la présidente de Tourvel. Chef d’œuvre au cœur d’un chef d’œuvre, cette séquence, à l’instar du rêve, condense la totalité du roman en un seul plan séquence où le silence entre les protagonistes le dispute au sublime de l’air de Haendel que chante un castrat en toile de fond de leurs présences juxtaposées.
En un ballet unique des regards entre Madame de Merteuil (Glenn Close), le vicomte de Valmont (John Malcovich) et la présidente de Tourvel (Michelle Pfeiffer), se noue leur drame réciproque. À l’opposé des deux marionnettes de la perversion, notre héroïne moderne jouit d’une liberté qui consiste non dans le choix de son destin, mais en une auto-destruction pleinement consentie. Proprement ravie par cette scène depuis 22 ans, j’aurai entendu de la bouche de Stephen Frears, lors d’une rencontre fortuite dans le cadre d’un festival de film à Sierra, la solution de ce mystère de l’art.

Auteur
Silke Schauder
Référence
RA003-17
Ravissement
Journées d’Automne 2012
Catégories
Psychopathologie de l’expression
Littérature
Cinéma