Ô mon Dieu ! j’en suis ravie. Aloïse et le « ricochet solaire »

« Mourant lentement d’un amour ineffable, que me suggère votre regard splendide rencontré par hasard à la Revue de Potsdam, 1913.
Vous étiez étincelant des pieds à la tête, divinisé par le rayonnement splendide de votre cher visage… ! mon Dieu ! j’en suis ravie. »
Croisant le regard de l’empereur, Aloïse, « ravie», fait l’expérience décisive d’un raptus transférentiel. Porteur des insignes du sujet lui-même, l’autre brusquement lui fait signe, miroite à ses yeux : la figure emblématique de l’empereur condense tous les attributs qu’elle attendait. Dans ce regard, Aloïse vient de trouver la solution délirante à son impuissance.
« Que ne puis-je retremper mon âme en feu dans les yeux de firmament constellé d’étoiles d’un homme inaccessible que j’aime éperdument ! »
Ravie au «monde ancien naturel d’autrefois», elle entre au couvent (puisque c’est ainsi qu’elle appelle la clinique de la Rosière) où, jour après jour, écrivant, dessinant, elle va décliner toutes les combinaisons possibles de la même scène : la scène initiatrice du délire, érigée en scène primitive…
Bleu, opaque, un masque aveugle les yeux des visages d’Aloïse. Ils ont tous un point commun : le masque qui aveugle les yeux affiche le regard. Regard omniprésent, qui investit toutes les représentations sous l’effet du « ricochet solaire » et de la « consubstantialité » comme elle le théorise elle-même.
Jacqueline Porret-Forel nous recommande, devant les œuvres d’Aloïse, de « couper les amarres de la raison » et de nous « laisser porter comme le bateau ivre ». Ivresse du ravissement ?

Auteur
Béatrice Chemama-Steiner
Référence
RA003-05
Ravissement
Journées d’Automne 2012
Catégories
Psychopathologie de l’expression
Peinture
Cas clinique