J’avais d’abord écrit « Vol à tire-d’aile » mais, dans le ravissement esthétique qui nous importe ici, l’artiste mire plus qu’il ne mate, contrairement au séducteur abuseur. C’est dire qu’il s’expose à être lui-même ravi par le modèle qui se laisse prendre/déprendre/reprendre (travail de l’œuvre) dans le dispositif d’artialisation (miroir, lumière, jeu de regards croisés entre le modèle, ses reflets et l’œil du maître d’œuvre qui de même le regarde se/ le regarder ainsi que leurs images en abîme). Dialectique plus étourdissante (syncope, effet de pan ou de passe, duende…) que celle du renversement du rapport de domination entre le maître et l’esclave selon Hegel.
Le ravissement a le pouvoir de sauver du ravage de l’enfermement incestuel et du rangement, mais non sans risque de saccage s’il n’est pas relevé par l’émerveillement. La scène paradigmatique (souvenir, rêve ou fantasme) du ravissement de/par une beauté nue, bien plus luxuriante que celle de l’attachement de la Madone à l’Enfant, est une réactivation juvénile du stade du miroir, doublée d’un fantasme de séduction aggravé par la révélation de sa beauté cause de désir. Possibilité d’en jouer mais aussi d’être perdu dans la translation identitaire et dans le dédoublement entre beauté visible rayonnante (féminité) et beauté intérieure énigmatique (féminin). Une instance de l’être femme est ainsi révélée, son imago est peu conceptualisée par les psychistes alors qu’elle est la plus exposée dans les mythes, les lettres, les arts et le commerce médiatique. Comme si l’icône de la Beauté (re)naissante devait être refoulée en raison de sa résonance incestuelle ou bien sacralisée (idéalisée) ou bien sacrifiée (rabaissée), surnommée ou innommée. Psyché, Galatèe, les héroïnes féeriques et fatales de la littérature (Balzac, J.-M. Barrie,Nabokov) et du cinéma (S.Coppola), et quelques psychanalystes nous feront parler d’Elle.
Le dernier essai de N. Huston, nous encourage à signaler ce tournant périlleux de la Beauté (recon)nue, moment d’une angoisse exquise d’attraction vers un commencement, mais aussi de surexposition aux risques de décompensation psychopathologique et aux violences tant des hommes que des femmes. « Prends garde à toi ».
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Auteur |
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Jean Pierre Martineau |
Référence |
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RA003-08 Ravissement Journées d’Automne 2012 |
Catégories |
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Esthétique Psychologie |