Le coup d’œil à la dérobée : regarder la musique

Notre réflexion procède d’une convergence fructueuse entre trois parcours: d’une musicienne, d’un photographe et d’un psychologue. À l’occasion de séquences musicales de rue, proposées sans nulle contrepartie par la violoncelliste au cœur de l’espace urbain, des échanges brefs ou soutenus de regards entre l’interprète et son auditoire ont revêtu une importance croissante pour la musicienne, en mesure de toucher un public d’une réceptivité beaucoup plus immédiate et d’une autre nature qu’au milieu de la salle de concert.
Le photographe, pour sa part, a pu saisir quelques-uns de ces instants fugitifs durant lesquels la musique désoriente et oriente le regard, détourné provisoirement depuis une activité banale quotidienne, une fausse urgence ou une errance, à la fois citadine et d’existence, vers un moment d’une haute note émotionnelle qui ouvre sur une attraction interpersonnelle à l’intensité décuplée, le plus souvent muette mais d’une rare élévation.
La propension d’une situation à suspendre fugacement l’action en cours pour lui restituer un sens ou la replacer dans un contexte plus signifiant où la présence vivante au monde s’intensifie a retenu aussi la préoccupation du psychologue et conduit ainsi les trois partenaires à une révision conjointe de leurs vocations respectives. Un point commun entre elles réside dans leur capacité à retenir subrepticement un temps fondateur d’individuation et de personnalisation où le miroir d’autrui, comme dépositaire, joue un rôle ambigu mais prépondérant autant de différenciation que d’identification dont le bref échange de regards porte la trace. Elle s’avère susceptible de transmuer ce moment fugitif du frisson émotionnel en conviction ou illusion de rencontre vraie, rehaussée d’un sursaut d’éternité.
Remarque: l’exposé de la communication sera illustré des photographies de ces séquences en présence de leur auteur ainsi que, de la part de la violoncelliste, par un moment musical susceptible de points d’orgue renouvelés pendant la durée du colloque.

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