Le Goût

Afin de donner libre cours à toute la polysémie du terme, le titre re- tenu, volontairement laconique, vise à ouvrir et couvrir un champ très large autorisant le développement d’un vaste échange transdisciplinaire. Le goût décrit d’abord une sensation de base, la gustation qui, en liai- son fonctionnelle avec l’olfaction, mobilise des supports physiologiques et neurologiques porteurs de désordres potentiels (agueusies, hypogueusies, hypergueusies, dysgueusies) dépendants d’une atteinte neurologique, de médications ou traitements et de l’âge. Des hallucinations, souvent combinées à d’autres affluences psychosensorielles plus fréquentes, peuvent s’y implanter en symptômes in- constants et fugaces. De façon plus périphérique, des altérations du goût interviennent dans les troubles des conduites alimentaires telles que l’anorexie, la boulimie ainsi que lors de certaines addictions. Dans son sens élargi, le goût, sous sa forme négative traduite en « perte de goût » ou même dégoût, affecte également d’autres types de manifestations à tendances dépressives ou concerne les registres plus larges de l’engagement scolaire, professionnel, familial ou social avec tous les dangers de déstabilisation ou désinsertion qu’ils impliquent. La forme la plus radicale et la plus grave de cette dégradation est fournie par le syndrome mélancolique où le dégoût de la vie (tædium vitæ) s’étend à l’ensemble des phénomènes de l’existence et de l’insertion dans la vie. Dans de multiples langues, le même vocable désigne aussi une faculté de discernement et de jugement esthétiques aux extensions et domaines d’applications et d’implications multiples. En la matière, le bon goût pourra dériver vers des convenances mièvres, des académismes stériles purement conservateurs sous couvert d’un respect de la tradition. La sur- charge expressive, comme dans l’art pompier ou le kitsch, finira par dégénérer en goût douteux ou franchement mauvais goût jusqu’à écœurement. Par extension supplémentaire, le goût se rapproche enfin d’une palette d’inclinations psychologiques qui va de la moindre marotte anodine à la plus intense des passions. Non seulement beaucoup de spécialistes auront ainsi la possibilité d’y accorder certaines des préoccupations de leur discipline de formation et d’exercice, mais ils pourront aussi confronter leurs approches sur un mode interdisciplinaire, rapprocher et croiser leurs perspectives à partir d’un point de départ thématique commun.

 Jean-Marie Barthélémy

Substance et mise en scène du goût : cuisiner et recevoir selon Pierre Bourdieu

Dans la Critique de la faculté de juger Kantfonde une tradition en distinguant le beau etl’agréable. Le jugement de goût renvoie à une satisfactiondésintéressée dans la contemplation de l’oeuvred’art, alors que le goût qui nous porte vers l’agréableest à comprendre comme un intérêt sensible moinsnoble …

Les mots du goût et le goût du temps

La sensation du goût est souvent explorée dans la littérature, avec des perspectives qui peuvent être historiques, sociologiques, poétiques, romanesques… Pour le lecteur, c’est avant tout un bonheur de gourmand/ gourmet que de découvrir le texte d’un écrivain « goûtu », un auteur chez qui …

La soupe et le potage, des mets goûteux pour une théâtralité sociale

Les gens d’origines diverses aiment à se retrouver pour partager de manière intellectuelle et culturelle leur inclination pour l’esprit de goût. La soupe ne fait pas partie de l’habitus cultivé contrairement au potage, mais tous deux sont toujours présents car ils s’inscrivent dans l’histoire des …

Le grand déplacement du paradis : du goût au dégoût des épices dans la cuisine en France

Le goût pour les épices au moyen âge pourrait s’expliquer par l’imaginaire qui entoure ces précieuses substances venues d’un Orient édénique, lieu de chaleur et de lumière, ailleurs fabuleux d’où procèdent tout pouvoir et tout sacré : vers lui se tournent les rêves de rédemption …

Le dressage à l’assiette : une esthétique gourmande ?

En restauration, le dressage à l’assiette se substitue de plus en plus au service à la table du plat odorant à partager, la présentation artistique des assiettes devient ainsi un incontournable du métier de chef cuisinier. L’analyse de ces tendances au prisme du goût montre …

Les dessous croustillants de la photo culinaire

Le succès des revues et ouvrages culinaires incitent à inscrire la photo culinaire dans le prolongement du dressage à l’assiette. Certes, elle lui emprunte des pratiques et des usages. Mais qu’en est-il du mets pour le spectateur ? Il n’est pas présent à lui mais …

Le goût de la sfpe-at

Au Mercure de France il y a une collection qui décline le goût des choses à travers une double entrée, l’une géographique par ville, région ou pays et l’autre thématique avec des rubriques aussi variées mais qui en réalité dessinent la géographie d’un corps, du …

Le goût et l’être

Il ne suffit pas de naître pour être ni de mourir pour disparaître. Voilà ce qui nous introduit par excellence à cette simple mais massive question de l’être. La lisibilité de cette densité ne résulte en premier lieu ni d’une entreprise réflexive chère à la …

Le goût : sa naissance, sa mort, son imperceptible renaissance

Le « goût » nous renvoie aux conditions historiques de son émergence (l’émancipation de l’art envers l’Eglise et son accès à un public large et cultivé) et à lui conférer un statut philosophique sous forme d’une nouvelle discipline : l’esthétique. Cette dernière s’articule autour de …

De (s) goûts et des couleurs sur table(au)

Apientia : nul pouvoir, un peu de savoir, un peu de sagesse, et le plus de saveur possible. » Cette déclaration de la Leçon inaugurale de Roland Barthes au Collège de France (1977) est la marque d’un homme de goût qui savait accommoder les plaisirs …

Bon et mauvais étude autour de la raie de Chardin

La raie est tranchée. À droite les bons objets de service. À gauche, les mauvais objets : l’animal, la coupure de la chair, le chat hérissé, les poissons défaits, la raie pendue au mur, déchirée, sacrifiée. Coulures d’organes, colle poisseuse, le chat en attaque. La …

Du goût et du dégoût pour l’image… photographique

Nous sommes tous amenés à nous confronter, dans le quotidien, aux images (surtout photographiques) qui ne cessent de nous interpeller intimement. Elles réussissent à nous séduire (c’est le but de la publicité !) mais aussi à nous provoquer, à nous heurter si elles ne nous …

La construction du goût, exemple des « singuliers » enjeux pour l’art-thérapie

Le goût dans le domaine de l’art ne relève pas que du facteur personnel, mais s’y révèle une véritable construction, aux différentes époques. L’exemple actuel, proche de notre champ, est celui de l’Art Brut et des « Singuliers » ou « Outsiders ». L’analyse de …

Le goût et le parfum dans l’expérience avec l’itp (tecnica immaginativa di analisi e ristrutturazione del profondo)

Notre propos sur le goût sera inséré dans la logique de l’imaginaire par le biais de l’expérience avec la thérapie imaginative ITP de Leopoldo Rigo ainsi qu’avec l’appui d’autres auteurs de référence tels que Gaston Bachelard, Gilbert Durand, Jean Burgos et, en littérature, Marcel Proust …

Un goût boulimique pour des plats esthétiques

Ici, point de propos sur les crises de boulimie de M., 40 ans, puisqu’elles sont en voie de disparition au profit d’une évolution positive avec un goût prononcé pour le choix des formes et l’harmonie des couleurs des légumes et autres aliments, pour les variantes …

Peint d’épices quand la vie vaut le goût d’Être vécue

Je propose de revenir sur une rencontre ayant eu lieu dans le cadre d’un espace art-thérapeutique avec une patiente anorexique adressée par ses parents médecins découragés par l’échec d’une longue prise en charge de type comportementaliste. Convaincu qu’une jeune fille perd le goût de la …

Accompagner par la dégustation des personnes en surcharge pondérale sur fond de désordre des conduites alimentaires

Dans le cadre de l’Association Affects et Aliments, nous proposons des groupes psychothérapeutiques sur la relation à la nourriture à des personnes en surcharge pondérale avec troubles des conduites alimentaires. Nous relaterons l’évolution d’un travail de groupe sur le goût avec des personnes hyperphagiques ayant …

Le goût dans la restructuration de l’image de soi à l’aide de la technique itp

La sensorialité gustative est fondamentale à la survie psychique de l’homme par le biais de l’intériorisation du « bon » et du sens (de la saveur) de la vie, ainsi que pour l’établissement des limites du soi (goût et dégoût). Dans la technique imaginative psychothérapique …

Le trouble d’amertume post-traumatique ou la perte du goût de vivre

Le trouble d’amertume post-traumatique (PTED) a été proposé d’abord par Michael Linden (Linden, 2003), professeur de psychiatrie à la clinique Charité de Berlin, avant d’être repris par ses collègues et discuté dans de nombreuses publications internationales. Le syndrome s’installe à la suite d’un événement traumatique …

Accompagner le goût entre addiction et appétence…

« Je ne vois qu’infini par toutes les fenêtres » Charles Baudelaire « Miroirs, jamais personne encore / n’a su décrire ce qu’essentiellement vous êtes. Comme à travers d’intègres trous du crible, / vous remplissez les intervalles du temps » Rainer Maria Rilke Le peintre …

Le goût du risque : de la conduite ordalique à l’expression picturale

La conduite ordalique s’invite souvent dans le processus d’addiction. En témoigne Thomas, 24 ans, qui nous confie l’expérience de sa dernière sortie nocturne dans la nature au cours de laquelle, après avoir bu quelques breuvages fortement alcoolisés associés à plusieurs cachets d’amphétamines, il se retrouva …

La saveur de nos souvenirs

Lorsque nos papilles palpitent, que l’eau nous vient à la bouche et qu’ensuite une saveur attendue ou étrangère survient, c’est un monde qui s’ouvre ; celui de la sensation. Il offre de petites portes qu’il convient d’ouvrir pour appréhender au mieux ce pays qui peut …

De la fadeur

Le goût : en résonance avec l’enseignement de quelques philosophes de l’Antiquité chinoise relatifs à l’art de se connaître soi-même — lequel repose, entre autres, sur une forme de « dépassionnement » traduit parfois par « fadeur ». Le goût étant, parmi d’autres sens, à …

Giacometti ou « l’invisible du goût »

Si j’avais un conseil à donner à un jeune peintre, je lui dirais de commencer par copier une pomme1 ». En effet, Giacometti peint sa première Nature morte aux pommes en 1915, il a 14 ans. Son oeuvre sera émaillée de tableaux et crayons peints …

Goût, odorat et obésité : le corps en acte

Le sujet obèse qui choisit de subir une intervention chirurgicale de sleeve ou de by-pass constate aprèscoup une modification de sa capacité olfactive et gustative. Il est plus sensible aux goûts des aliments ainsi qu’à leurs odeurs. Par son recours à la sur-alimentation, le sujet …