Art, Santé mentale, Citoyenneté

Deux jours entièrement dédiés à la citoyenneté

Et pourquoi ? Personne ne s’étonnera que nous ayons organisé les Journées de printemps de la SFPE-AT (Société française de psychopathologie de l’expression et d’art-thérapie) en interrogeant les liens entre l’art et la thérapie. Rien d’étonnant, en effet, à associer deux notions constitutives de notre Société. Depuis un demi-siècle, nous misons sur la création artistique pour épanouir les personnes qui s’y adonnent. Chaque année, nous nous réjouissons d’apprécier les effets salutaires induits par la mise en jeu du potentiel créateur. Chacune et chacun peut alors, a minima s’exprimer tout d’abord, voire ensuite se révéler. En empruntant ce chemin, adviennent des effets équilibrants dits thérapeutiques. Essentiellement autant que modestement, ils consistent en une meilleure reconnaissance de soi et de sa propre valeur. L’art, bien orienté et personnalisé, en constitue la cause motrice, pour une cause finale visant à une meilleure appropriation de soi.
Dès lors, quid de la citoyenneté? Autrement posé, quelle nécessité préside à associer l’art et la thérapie à cette troisième notion de citoyenneté? À mes yeux, elle apparaît fondamentale. Je m’en suis expliqué lors de la présentation orale de ce colloque Art, Santé Mentale, Citoyenneté. Nous proposons la création artistique à des personnes vivant, à titres divers, des difficultés psychiques. En refusant toute forme d’hypocrisie, il nous faudra admettre que ces personnes subissent le plus souvent le poids d’un discrédit, d’un a prion négatif. Autant savoir caractériser véridiquement cette attitude sociale commune pour ce qu’elle est, à savoir une injuste discrimination.
Pour instaurer plus de justice, je me suis efforcé depuis mon retour en psychiatrie, de faire prévaloir une citoyenneté de plein droit aux personnes fréquentant nos ateliers de création. Pour encore mieux en témoigner, chaque année, j’ai proposé des rencontres avec le public, donc avec des concitoyens. Elles prennent la forme d’expositions artistiques finement préparées, de semaines d’ouverture du service au public, d’articles de presse, de reportages télévisuels, de publications de livres, de spectacles de théâtre,d’organisation de concerts, de tournages et de réalisations de films. Ce colloque et la rédaction de ces Actes font partie de cet ensemble constitutif d’une mise en œuvre effective de la citoyenneté. Ainsi, logiquement se déroule une trilogie associant création, exposition et mémorisation. La valorisation résultant de la création s’avère re-doublée par l’exposition et prolongée par une mémoire éditoriale. Autrement dit, la création appelle à l’exposition, laquelle aspire à laisser une trace par la mémorisation. Il s’agit donc de rétablir à la fois plus de vérité et de justice.
Je rappelle que notre service de Clermont, intitulé Arts et Thérapie, organisateur de ce colloque, relève de la psychiatrie publique. Or, la légitimité de la citoyenneté prend centralement place dans l’histoire de la psychiatrie moderne. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, un mouvement émancipateur a brisé la réalité ségrégative des hôpitaux psychiatriques. Sous le nom de « secteur», il a visé à instaurer une psychiatrie de proximité, une psychiatrie dans la cité, donc une psychiatrie citoyenne. Nous y voilà! De plus, et toujours dans mon introduction au colloque, j’ai tenu à préciser que cette psychiatrie de proximité s’ouvre sur une autre vision que la seule logique du territoire. Laquelle ? Elle vise essentiellement à une pleine reconnaissance des personnes ayant des difficultés psy-chiques. Qu’est-ce à dire? Considérer la personne en elle-même, sans jamais la réduire aux difficultés qu’elle traverse.
Certes, dira-t-on, voilà ce qui apparaît volontiers communément admis dans les services de soins. Et pourtant, dans nombre de cas, on pourrait en douter. Pourquoi ? Disons-le simplement ! Quand j’entends parler de « eux » et de « nous », eux les autres et nous les sains d’esprit, je commence à m’inquiéter et à ressentir chez ceux s’exprimant ainsi des processus autant défensifs que mortifères face à leurs propres difficultés psychiques. A contrario j’aimerais entendre parler du« nous» de similitude, mû par élan de citoyenneté et de partage de l’égalité des chances.
Je ne fais ici que m’inspirer du mouvement dit de« psychothérapie institutionnelle ». Que dit-il en substance ? Chaque institution sécrète son lot de nuisance: rejet, exclusion, bouc-émissaire … Les institutions soignantes ne sauraient y échapper. Prétendre soigner les autres implique comme premier devoir une remise en cause. Ainsi, face à telle parole ou tel acte d’autrui, il s’agit alors de s’interroger: dans ma réaction, qu’en est-il de ma propre subjectivité? Un tel questionnement devrait constituer le minimum requis pour s’impliquer dans toute démarche de soin, d’aide et, en particulier, d’art et thérapie.
Pour cette histoire vieille de plusieurs décennies, souvenons-nous de quelques noms. Nous en retrouverons certains à la lecture de ces Actes : Lucien Bonnafé, fondateur du « désaliénisme » et artisan majeur du secteur, Georges Daumézon, inventeur avec François Tosquelles du mouvement de « psychothérapie institutionnelle, Jean Oury, directeur de la clinique exemplaire deLa Borde à Cour-Cheverny, Jean Ayme, le premier ayant libéré un service à Clermont-de-l’Oise, Roger Gentis, auteur connu du grand public par la publication du livre intitulé Les Murs de l’asile … On me pardonnera de ne pas citer le nom de toutes ces personnes admirables qui ont réfléchi et agi, sans attendre la « Libération » pour s’inscrire durablement dans un mouvement pour la liberté.
Dans cet esprit, on retrouvera la FASM (Fédération d’aide à la santé mentale) – Croix-Marine. Son président a conclu les deux journées du colloque de Clermont. Croix-Marine y a toute sa place. En effet, ce mouvement repose sur les deux piliers que sont le secteur et la psychothérapie institutionnelle. De même, on ne sera pas étonné de lire le texte d’un ancien Grand Maître du Grand Orient. École de fraternité, la franc-maçonnerie a toujours défendu la citoyenneté. A l’évidence, sur ce thème, le témoignage des personnes fréquentant les ateliers de création artistique s’impose: on retrouvera les propos introductifs à leur intervention collective. Tout comme le public présent ce jour-là, j’ai apprécié la clarté et la sincérité de ces trois personnes.
Je voudrais remercier aussi toutes et tous les autres intervenant(e)s. Ils ont finement préparé leurs interventions et scrupuleusement respecté leur temps de parole. Certain(e)s ont souhaité développer leurs propos dans une version écrite plus étayée. De cela résulte un enrichissement pour la lecture, au prix, il est vrai, d’une disparité dans le format des contributions publiées dans ce volume. J’ai réussi à réunir toutes les interventions, à l’exception de celle de Denys Robiliard, auteur du dernier rapport parlementaire sur l’avenir de la psychiatrie. Toutefois, on pourra visionner l’essentiel de sa contribution dans le DVD consacré aux conférences. Dans le coffret de DVD, on pourra voir aussi un montage sur l’exposition REG’ARTet re-voir le spectacle de théâtre intitulé L’Amour est un sport de combat. Ce coffret représente le complément indispensable pour garder en mémoire les paroles prononcées et les images de celles et ceux qui les ont énoncées au cours de ces deux Journées de printemps de SFPE-AT.
Merci à nos partenaires principaux pour la réalisation de ces manifestations : le directeur du centre psychiatrique, François Leclercq, et la municipalité de Clermont-de-l’Oise, en particulier le maire, Lionel Ollivier et le maire-adjoint Pascal Dizengremel. Dans ces remerciements, n’oublions pas l’atelier thérapeutique du Relais de l’Aulne qui a su assumer la restauration et l’hôtellerie avec la compétence et l’amabilité de ses moniteurs et de ses stagiaires en insertion. Merci à la SFPE-AT, son président d’honneur François Granier et sa vice-présidente, Michelle Morin. Je remercie aussi les excellents modérateurs: Ghislaine Reillanne, Silke Schauder, Tanja Verlinden et Gérard Bouté, lequel a, de plus, assumé la création artistique et la conception graphique de ces Actes. Merci enfin à toutes et tous les participant(e)s au colloque des 5 et 6 juin 2014.

Jean-Philippe Catonné

Allocution d’ouverture

La SFPE-AT (Société française de psychopathologie de l’expression et d’art-thérapie) va fêter son jubilé en décembre 2014. Ses travaux de recherche se situent à la jonction de la santé et du socio-culturel, luttant contre l’exclusion en ouvrant un autre regard sur la folie et l’art …

L’expérience du Beau dans la création d’une œuvre plastique collective

Les conclusions présentées ci-dessous, sont les résultats de l’étude menée dans le cadre d’un mémoire de recherche de master 2, en art thérapie, intitulé L’expérience du beau, de soi aux autres.Peintre et plasticienne, j’interviens auprès de groupes pour la réalisation d’œuvres collectives. La recherche s’attache …

Singulier-Pluriel du JE au NOUS

J’aimerais vous interpeller sur deux ou trois petites choses … ces petites choses qui donnent parfois du sens à notre action.Il y a deux ans … lors du festival Itinéraires singuliers un patient accompagne deux directeurs adjoints du CH La Chartreuse de Dijon à un …

Les peintres face à l’exclusion

Conçue comme l’appartenance active à un groupe social dé-fini, la citoyenneté suppose l’adhésion à un projet commun avec le désir de participer, de se l’approprier et de le trans-mettre. À travers ce contrat social elle permet de se reconnaître dans l’autre, dans ses valeurs, d’être …

Apports de la vidéo dans un atelier thérapeutique de percussions pour adultes souffrant de pathologies psychiatriques chroniques ?

Que peut apporter la vidéo dans le cadre d’un atelier de musicothérapie, plus spécifiquement un atelier thérapeutique de percussions ? Les intérêts sont multiples : l’on peut filmer – pour montrer des extraits de séances d’ateliers aux patients dans l’après-coup, – pour avoir un support …

Du sujet de l’image à l’image du sujet

Médiation thérapeutique par la photographie en psychiatrie adulte Comment s’esquisse, se ponctue et se conclut le mouvement propre à la creation de photographies dans un contexte de soins.Afin de restituer une expérience, celle d’une médiation thérapeutique par la photographie en psychiatrie adulte, j’utiliserai une métaphore …

De l’intérêt de l’art pour les chômeurs de longue durée

L’influence négative du chômage de longue durée sur la personnalité et, en particulier, sur la motivation et l’estime de soi a été démontrée par la recherche internationale. (Theodossiou, 1997 ; Kovess-Masfety, 2001 ; Dooley, 2003 ; Paul & Moser, 2009; Roelfs & al, 2011). Ceux …

D’une rive à l’autre par le jeu de ricochet, ou émerger de la dépression par l’art-thérapie

1-D’une rive à l’autreL’art est création et prend existence par les œuvres qu’il produit. Il est une ouverture sur le monde quand il tourne ses œuvres vers autrui. L’œuvre d’art s’expose. Et sous la sphère publique, elle devient une invitation à la rencontre entre les …

L’art-thérapie une profession citoyenne face au mal-être social

La citoyenneté pose un projet commun au sein d’une société démocratique avec le principe de l’égalité des citoyens devant la justice, des libertés fondamentales, des droits civils, politiques et sociaux. Lorsque nous mettons en lien la citoyenneté avec l’art et la santé mentale, cela suppose …

La psychiatrie et son théâtre

Le secteur de Levallois-Perret anime depuis 1981 un atelier-théâtre promu par le Docteur Jean-Jacques Gausse! qui fonda le Festival d’Ile-de-France d’art, théâtre et psychiatrie en 1986. Durant toutes les années où j’ai assuré la responsabilité de ce secteur, j’ai pérennisé cette activité, devenue une sorte …

Témoignages citoyens de participants aux ateliers d’arts et thérapie de Clermont

Je fréquente les ateliers d’art et thérapie depuis six ans. Je souffre de dépressions récurrentes depuis longtemps. J’ai été hospitalisée pour la première fois à la fin de mon adolescence. J’ai été enseignante en collège pendant 30 ans et j’ai pu difficilement aller au bout …

Citoyenneté et laïcité

J’ai coutume de dire que la franc-maçonnerie est fille de la raison et de la laïcité.Affirmation gratuite et subjective, mais libre si l’on admet, en maçonnerie surtout, que l’on peut choisir la filiation que l’on veut.Fille de la raison, cette ascendance est facile à défendre, …

Les favorables ou funestes auspices de hospitalité en psychiatrie

« L’homme est de plus en plus absent de la psychiatrie, mais peu s’en aperçoivent parce que l’homme est de plus en plus absent de l’homme »Henry Maldiney. L’idée du titre de cette communication m’est venue au moment où Jean-Philippe Catonné m’a sollicité. Les Trois …

Réflexions sur le travail et l’art au sein d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT)

Aristote convenait qu’un enfant devait être éduqué, non pas sur le plan personnel, mais pour garantir à la cité un réservoir de forces vives dans un avenir prochain. L’enfant, selon le philosophe grec, était avant tout amené à devenir citoyen.Dans la Grèce antique, plus particulièrement …

Poétique et politique de l’humain, tant bien que mal. Des Ego alter et des Alter égaux

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est I’homme même qui disparaît »François Tosquelles, (Épitaphe inscrite à l’entrée de I’hôpital de Saint-Alban). Désenchantement poétique et politique dans la modernité La modernité progressiste et émancipatrice, en Occident au cours du XXe siècle, …

L’art de la citoyenneté

L’étranger Au commencement c’est l’exil, une mère qui voit partir son enfant dès qu’il se forme en son sein. Pourtant, il ne suffit pas de naître pour être et tout exil voit cesser sa douleur, en se métamorphosant en terre d’asile.Cette métamorphose n’est pas le …

Art, santé mentale et citoyenneté, pertinence historique et muses en perspective selon l’apport de la pensée de Cornélius Castoriadis

Examiner la circularité triadique des notions induites par l’énoncé du thème du colloque, équivaut à interroger l’historicité de la pertinence du lien entre ces trois notions et leur intrication dans l’exercice de l’art-thérapie. Dans la première partie de cet exposé, nous présentons à titre indicatif …

Champ Libre à la culture et à la citoyenneté ?

Je remercie tout d’abord Jean-Philippe Catonné, organisateur de ces journées, et BrunoTournaire Bacchini, pour cette invitation à venir vous parler d’une expérience institutionnelle.Je dois vous dire d’entrée de jeu, que je me sens quelque peu décalé : j’ai cessé mes fonctions l’an dernier, après avoir …

Un long combat pour la citoyenneté

Il a fallu attendre la loi du 11 février 2005 pour que la question de « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » soit inscrite dans la loi française. Cette loi a revu la définition du handicap …