L’autre, cet éternel étranger : la médiation théâtrale comme lieu d’exploration de la rencontre intersubjective

Freud l’écrivait déjà en 1905 , la puberté est le temps du primat du génital. Les pulsions partielles se subordonnent alors aux logiques de l’acte sexuel. L’auto-érotisme ne se suffit plus à lui-même. Le choix d’objet s’affirme.
Cela, nous pouvons effectivement l’observer chez les adolescents que nous recevons en dispositifs de soin. Cela était vrai il y a cent ans et reste d’actualité aujourd’hui. Cependant, les adolescents d’aujourd’hui ne sont pas tout à fait identiques aux adolescents d’hier. La libération sexuelle et le libéralisme des échanges sociaux ont laissé des traces, façonnant ce que cette jeunesse renvoie du monde des adultes. Ainsi, nous pouvons observer chez ces adolescents des comportements sexuels parfois totalement autonomisés de toute considération désirante vers un autre sujet. En d’autres termes, nous observons chez ces adolescents des problématiques accrues du lien aux autres et au socius. Pas étonnant alors que dans la psychanalyse d’aujourd’hui les théories de l’intersubjectivité et de la subjectivation aient pris le pas sur des théories purement intrapsychiques de la pulsion.
Comment comprendre ces comportements adolescentes, barrant l’existence de l’autre face à l’impétuosité de son désir ? La médiation thérapeutique par le théâtre sera notre fenêtre d’observation pour avancer dans ce questionnement. Au travers du cas d’un groupe d’adolescents, nous mettrons en avant ce que les propriétés du jeu permettent de mettre au travail du corps libidinal et de l’appropriation subjective de son état désirant. Nous mettrons aussi en avant combien le jeu théâtral est un jeu qui ne peut émerger authentiquement que dans le lien à l’autre. Par l’exploration du dissemblable des personnages dans cet espace de rencontre qu’est la scène, les adolescents sont conduits à explorer la problématique de l’étranger, leur permettant de réintrojecter l’étranger de leur désir autant que le vertige de l’attractivité amoureuse vers l’autre.
Ainsi, l’exploration amoureuse semble aujourd’hui dangereuse. L’assouvissement seul du désir marquerait ainsi un procédé auto-calmant comme le postule François Richard, en fuite du lien à l’autre. La médiation théâtrale conduirait alors les adolescents dans l’exploration de la rencontre à l’autre, où violence et angoisse dans le lien sont mis au service de la création. Ainsi, la médiation thérapeutique par le théâtre offrirait les conditions pour qu’advienne une rencontre intersubjective, pour que se déploie le désir, le sentiment amoureux, hors d’une angoisse de la relation à l’autre qui saisit habituellement ces patients.

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