Faut-il ré-apprendre au corps les pouvoirs de son silence — le langage de sa non-expressivité essentielle ?
Il est devenu commun de dire et d’entendre dire que le corps est langage, moyen d’expression, instrument de symbolisation et que par lui peuvent s’extérioriser et ainsi se résoudre des tensions émotionnelles internes, des surcharges affectives qui. en étant vécues gestuellement, trouvent alors l’occasion de se libérer et de se sublimer. L’idée centrale qui anime la conception expressionniste du corps trouve sa référence naturelle dans le jeu scénique de rôles, dans la définition dramaturgique du personnage et sous le rapport d’une problématique de la vraisemblance inhérente à une psychologie paralléliste des émotions. Ce que Diderot appelait « paradoxe » du comédien peut encore servir à formuler une problématique (pour ainsi dire résolue à l’avance) du rapport de l’homme à son corps dans l’expression scénique d’un sentiment, d’une émotion ou d’une idée.
Nous n’aborderons pas ici la critique de détail de la notion d’expression scénique qui, sous une simplicité apparente, comporte, dans son sens, de très nombreuses ambiguïtés. Contentons-nous de relever quelques-unes des difficultés auxquelles elle se heurte lorsqu’elle est comprise et utilisée sous le rapport d’une intention thérapeutique.
En dépit des significations concrètes et positives qu’on aime à lui reconnaître, elle participe avant tout d’une abstraction majeure qui caractérise à la fois une représentation psychologique des attitudes (cf. toute la psychologie « académique » issue du XIXème siècle), une conception psychologiste du théâtre (cf. la tradition « occidentale > et classique définissant le contenu psychologique du « jeu » théâtral), une philosophie « naturaliste » et positiviste du rapport de 1 homme à son corps, de la pensée au langage, de la personnalité à ses rôles ou encore de l’émotion à son expression. Ce jeu d’oppositions repose donc sur un dualisme qui préalablement à ses descriptions, sépare et isole par ses concepts ce qui est intrinsèquement lié dans le sens que prend pour nous le corps en deçà de toute réflexion thématique et de toute individualisation.
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Auteur |
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Pierre Fedida |
Référence |
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RE1968-04 Supplément de l’Encéphale |
Catégories |
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Psychopathologie de l’expression Art-thérapie Théâtre Voix Clown |